Le léopard de l’Amour, l’une des sous-espèces de léopards les plus menacées, a récemment fait l’objet d’une re-découverte saluée dans les forêts enneigées d’Extrême-Orient. Classé « En danger critique d’extinction » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), il ne subsiste aujourd’hui que quelques dizaines d’individus à l’état sauvage. Cet article fait le point sur :
- la situation démographique actuelle et les tendances récentes ;
- les principales menaces pesant sur l’espèce ;
- les caractéristiques biologiques et écologiques spécifiques ;
- les actions de conservation en cours et leurs perspectives d’évolution.
Statut et démographie
Effectifs et répartition
- Recensements récents estiment entre 84 et 108 léopards de l’Amour à l’état sauvage, soit une légère augmentation depuis les 30 individus estimés en 2007.
- L’aire de répartition se concentre dans le parc national du « Pays du léopard » (sud-ouest du kraï du Primorié, Russie) et portions adjacentes des provinces chinoises du Jilin et du Heilongjiang.
- La surface occupée n’excède plus 5 000 km², contre environ 25 000 km² historiquement, ce qui accroît l’isolement des sous-populations et les risques de consanguinité.
Tableau de l’évolution des effectifs à l’état sauvage :
| Année | Estimation minimum | Estimation maximum | Source (UICN) |
|---|---|---|---|
| 2007 | 30 | 30 | |
| 2015 | 60 | 75 | — |
| 2022 | 84 | 108 |
Population captive et potentiel génétique
- Environ 220 léopards de l’Amour vivent en captivité, répartis dans une cinquantaine de zoos à travers le monde.
- Ce cheptel constitue un réservoir génétique crucial pour renforcer la diversité allélique de la population sauvage fragmentée.
- Des programmes d’échanges internationaux, coordonnés par l’EEP (European Endangered Species Programme), visent à maximiser la variabilité génétique des portées captive.
Menaces principales
Destruction et fragmentation de l’habitat
- Entre 1970 et 1983, 80 % de l’aire de répartition a disparu sous l’effet de la déforestation, de l’expansion agricole et des aménagements industriels.
- L’ancienne couverture forestière tempérée et mixte de la péninsule coréenne, du nord-est chinois et du Primorié russe s’est contractée à la fois en surface et en connectivité, isolant des populations souvent situées dans des vallées encaissées.
Braconnage et commerce illégal
- Le pelage du léopard de l’Amour peut valoir plusieurs milliers de dollars sur le marché noir et des parties du corps sont recherchées en médecine traditionnelle, malgré l’absence de fondement scientifique des vertus attribuées.
- La mise en œuvre de la CITES peine à juguler le trafic transfrontalier, les braconniers adaptant sans cesse leurs modes opératoires pour échapper à la détection.
Déclin des proies et conflits homme-faune
- Les populations de cerfs Sika, de chevreuils et de sangliers, proies principales du léopard de l’Amour, sont en forte régression sous l’effet de la chasse et de la perte d’habitat.
- Le léopard doit alors étendre son territoire, s’aventurant parfois à proximité des exploitations agricoles et s’attaquant au bétail.
- Jusqu’à 10 % des mortalités sont attribuées à des représailles d’éleveurs locaux, malgré des mécanismes d’indemnisation et des programmes de protection du bétail déployés ces dernières années.
Adaptations biologiques et écologiques
Morphologie et comportement
- Pelage : plus épais et plus long (jusqu’à 7 cm), coloration crème à roux pâle, rosettes larges et espacées, adapté au camouflage en milieu enneigé.
- Taille et poids : 70–105 kg pour les mâles, 32–48 kg pour les femelles, plus petits que les congénères africains ou asiatiques.
- Mobilité : vitesse de pointe de 55 km/h, saut horizontal de 75 m et vertical de 25 m (record à nuancer selon terrain).
Écologie trophique
- Carnivore strict, besoin annuel estimé à 50–60 cerfs par individu adulte pour couvrir ses besoins énergétiques.
- Opportuniste, régime étendu comprenant également lièvres, blaireaux et chiens viverrins, avec des localisations de chasse suggérées principalement au crépuscule et de nuit.
Efforts de conservation et perspectives
Aires protégées et sanctuaires
- Création du parc national « Land of the Leopard » en 2012 (262 000 ha), couvrant plus de 60 % de l’habitat connu des léopards de l’Amour, a permis la stabilisation de la population sauvage.
- Projet transfrontalier sino-russe de corridors écologiques visant à reconnecter les sous-populations isolées et faciliter les échanges génétiques.
Programmes de reproduction et réintroduction
- Accouplements contrôlés au sein d’établissements zoologiques inscrits dans l’EEP, renforçant la diversité génétique des portées ; naissance remarquée de deux jeunes en décembre 2024 à Colchester (Royaume-Uni) témoignant de la réussite du programme .
- Études pilotes de lâchers d’individus nés en captivité après quarantaine stricte, associées à un suivi GPS pour évaluer la survie et l’adaptation.
Lutte anti-braconnage et coopération internationale
- Renforcement des patrouilles dans les zones protégées, financé par WWF et ONG partenaires, avec déploiement de drones et caméras-trappes pour dissuader les braconniers .
- Coopération renforcée entre autorités russes, chinoises et ONG pour harmoniser les sanctions, partager les renseignements et démanteler les réseaux de trafic.
Recherche et innovation
- Projets de génétique de la conservation explorant la faisabilité d’introduire des individus issus de zoos dans la population sauvage pour briser la consanguinité problématique .
- Développement d’outils d’intelligence artificielle pour identifier individuellement chaque léopard à partir de ses rosettes, et modèles prédictifs pour anticiper les impacts du changement climatique sur la répartition des proies.
Malgré un passé dramatique marqué par un effondrement démographique de plus de 80 % en 75 ans, le léopard de l’Amour connaît une légère embellie grâce à la mobilisation conjointe des gouvernements, des ONG et du milieu scientifique. La clé de sa survie réside dans la préservation de son habitat, la lutte efficiente contre le braconnage, le renforcement de la diversité génétique par la gestion des populations captive et sauvage, et la restauration des populations de proies. Toutefois, l’espèce demeure l’une des plus fragiles au monde et chaque action compte pour éviter que ces fauves, symboles de l’écosystème tempéré d’Extrême-Orient, ne disparaissent définitivement.
Références :
Esther Evangeline (MSc Zoologie). Y a-t-il de l’espoir pour le léopard de l’Amour ? Animals Around the Globe, juillet 2025. citationIndex Guynup S. Le léopard est le survivant ultime, malgré des menaces croissantes. National Geographic France, 8 juil. 2024. citationIndex. WWF France. Le léopard de l’Amour, fauve menacé. https://www.wwf.fr/especes-prioritaires/leopard-de-lamour, consultation juillet 2025. citationIndex Smaini M. Deux nouveau-nés d’une espèce de léopards rare et en danger critique d’extinction voient le jour dans un zoo anglais. Science et Vie, déc. 2024. citationIndex. Autour des animaux. Panthère de l’Amour : tout savoir sur ce léopard. https://www.autourdesanimaux.com/faune-sauvage/especes/panthere-de-l-amour, consultation juillet 2025. citationIndex. GEO. Une espèce de léopard en danger critique d’extinction est de retour dans les forêts enneigées de l’Extrême-Orient. GEO Mag France, 2025.

