Biodiversité : le hérisson, une espèce désormais classée « quasi-menacée »

Les populations de hérissons, petits mammifères emblématiques de nos jardins et forêts, connaissent un déclin inquiétant depuis plusieurs décennies. Autrefois abondants dans les régions rurales comme urbaines, les hérissons font aujourd’hui face à une diminution rapide de leurs effectifs, notamment en Europe. Ce phénomène, encore sous-estimé il y a quelques années, est désormais pris très au sérieux par les scientifiques et associations de protection de la faune, qui mettent en lumière les principales causes de ce déclin. Parmi celles-ci, la perte d’habitat due à l’urbanisation galopante, l’utilisation des pesticides, et les routes dangereuses qui fragmentent leur territoire de chasse sont souvent citées. En France, en Grande-Bretagne et dans d’autres pays européens, les études se multiplient et les chiffres sont sans équivoque : le hérisson est aujourd’hui considéré comme une espèce « quasiment » menacée selon plusieurs organisations, et le risque de voir cet animal disparaître de certaines régions devient de plus en plus réel. Les campagnes de sensibilisation se multiplient pour encourager le public à prendre soin de ces créatures, notamment en aménageant des jardins accueillants et en évitant les produits chimiques nocifs, contribuant ainsi à la protection de la biodiversité.

Les causes de ce déclin sont multiples et complexes. Parmi les facteurs les plus influents, la destruction et la fragmentation de leurs habitats naturels jouent un rôle majeur. La conversion des paysages ruraux en terres agricoles intensives réduit considérablement les espaces boisés et les haies, où les hérissons trouvent refuge, nourriture et protection contre les prédateurs. L’urbanisation croissante, avec l’extension des villes et des banlieues, entraîne une disparition progressive des milieux naturels et expose les hérissons aux dangers de la circulation routière. Les routes sont d’ailleurs l’une des premières causes de mortalité chez les hérissons : chaque année, des milliers de spécimens sont écrasés par les voitures en traversant des voies de circulation, un phénomène particulièrement dramatique lors de la saison des amours, où les déplacements sont fréquents.

Un autre facteur clé est l’usage des pesticides dans l’agriculture et même dans les jardins particuliers. Les hérissons se nourrissent principalement de petits insectes, de vers de terre, de limaces et de chenilles, qui sont directement touchés par les traitements chimiques. En éliminant ou en réduisant ces ressources alimentaires, les pesticides compromettent l’alimentation de ces animaux et les rendent plus vulnérables aux maladies et à la malnutrition. De plus, l’accumulation de toxines dans leurs organismes, par ingestion de proies contaminées, peut causer des empoisonnements chroniques ou affecter leur système immunitaire, les rendant plus fragiles face à divers agents pathogènes.

La dégradation de l’environnement dans lequel évoluent les hérissons se double de la menace que représentent les parasites et les maladies. Le hérisson européen est notamment touché par des infections parasitaires, comme les puces, les tiques et les acariens, qui affaiblissent sa santé générale et peuvent être vecteurs de maladies graves, comme la gale sarcoptique. Cette maladie de peau, qui se transmet facilement d’un individu à l’autre, affaiblit le système immunitaire et peut entraîner des infections secondaires mortelles. Dans les milieux urbains, où les hérissons vivent souvent à proximité des humains et d’autres animaux domestiques, le risque de transmission de maladies est encore accentué, compromettant leur survie.

Face à cette situation critique, de nombreuses initiatives ont vu le jour pour protéger et sauver les hérissons. En France, le Muséum national d’Histoire naturelle et l’association ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages) mènent des campagnes de sensibilisation et de comptage pour évaluer les populations de hérissons. Des programmes de « science participative » invitent les citoyens à signaler les hérissons vivants ou morts qu’ils rencontrent, afin de mieux cartographier leur présence sur le territoire et d’évaluer la densité de population. En Grande-Bretagne, l’organisation British Hedgehog Preservation Society (BHPS) a lancé un plan national pour la sauvegarde des hérissons, visant notamment à créer des “corridors écologiques” pour permettre aux animaux de circuler librement entre différents habitats sans se retrouver piégés dans des zones urbaines. Les jardins et les espaces verts sont aménagés pour favoriser leur accueil, avec des ouvertures dans les clôtures et des zones de refuge aménagées.

Au niveau scientifique, la recherche s’intensifie pour mieux comprendre les interactions entre les hérissons et leur environnement. En France, le projet de recherche « Hérisson, mon héros » mené par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) étudie les comportements de ces animaux en milieu semi-naturel, afin de déterminer les facteurs clés qui influencent leur survie. Les études révèlent déjà que les hérissons qui vivent en milieu urbain présentent des comportements différents de ceux des milieux ruraux, avec une adaptation progressive aux nouvelles sources de nourriture et de refuge. Cependant, cette adaptation a des limites, car la fragmentation des habitats et l’impact des polluants réduisent leurs capacités de survie.

Certaines municipalités et conseils régionaux mettent également en place des actions concrètes pour aider à protéger ces mammifères menacés. On assiste, par exemple, à la mise en place de politiques de réduction des pesticides dans les parcs et jardins publics, de campagnes d’information pour encourager les citoyens à adopter des pratiques de jardinage plus respectueuses de la biodiversité, et de mesures de sécurisation des routes pour réduire les accidents de la faune. En Belgique, certaines communes vont jusqu’à interdire les pièges à glu, qui peuvent être fatals pour les hérissons, et à promouvoir des alternatives aux pesticides. Ces efforts, bien qu’encourageants, peinent cependant à endiguer le phénomène de déclin, dont la cause est systémique et profondément ancrée dans les transformations anthropiques des écosystèmes naturels.

Les projections sur la survie du hérisson européen sont sombres si les pratiques actuelles ne changent pas rapidement. Les experts estiment qu’il pourrait disparaître de certaines régions d’ici quelques décennies sans actions rapides et décisives. La situation des hérissons est un indicateur du déclin plus global de la biodiversité, un phénomène préoccupant qui affecte également d’autres espèces de petits mammifères et d’insectivores en Europe. La disparition progressive du hérisson, un animal familier et apprécié, pourrait avoir un impact symbolique fort, rappelant l’importance de préserver la biodiversité non seulement pour l’équilibre des écosystèmes, mais aussi pour notre patrimoine culturel et notre lien avec la nature.

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