La récente Conférence des Parties (COP16) sur la biodiversité, tenue à Cali, en Colombie, avait pour objectif de renforcer les engagements mondiaux en matière de conservation de la nature, alors que les écosystèmes et les espèces subissent une pression sans précédent. Cependant, malgré des discussions intenses et l’urgence croissante de la crise écologique, la conférence s’est terminée sans parvenir à un accord concret sur le financement des actions de protection de la biodiversité. Cet échec met en lumière des fractures persistantes entre pays riches et pays en développement, et la difficulté de mobiliser les ressources nécessaires pour préserver notre patrimoine naturel commun.
À Cali, les négociations ont principalement achoppé sur la question du financement. Les pays les plus vulnérables à la perte de biodiversité, souvent ceux disposant des écosystèmes les plus riches, sont aussi parmi les plus pauvres et dépendent donc d’un soutien international pour protéger leurs ressources naturelles. Ils ont demandé un financement substantiel pour compenser les efforts coûteux de conservation et garantir un développement durable de leurs économies. Les pays industrialisés, pour leur part, ont reconnu la nécessité d’une action collective mais se sont montrés réticents à s’engager sur des montants concrets, invoquant des contraintes budgétaires internes et des difficultés à mobiliser les fonds publics à grande échelle.
Cette division Nord-Sud a été particulièrement évidente au cours des dernières journées de négociations. Les pays en développement, regroupés sous la bannière du G77, ont souligné l’injustice d’une situation où ils sont appelés à protéger une biodiversité d’intérêt global sans bénéficier des moyens pour y parvenir. Ils ont insisté sur le fait que la responsabilité de la crise actuelle de la biodiversité est largement imputable aux pays riches, en raison de leur historique d’exploitation intensive des ressources naturelles. Pour ces nations, la protection de la nature ne doit pas se faire au détriment de leurs propres priorités de développement, et elles réclament un cadre financier équitable pour assurer un partage des responsabilités et des ressources.
En revanche, plusieurs pays développés, dont les États-Unis et des membres de l’Union européenne, ont plaidé pour une approche plus prudente, soulignant l’importance d’une transparence accrue dans la gestion des fonds destinés à la biodiversité. Ils ont exprimé des inquiétudes concernant l’efficacité de l’aide financière dans certains pays et ont appelé à des mécanismes de suivi plus rigoureux. Ils ont aussi proposé des approches alternatives, comme l’incitation des investissements privés et l’élargissement de partenariats avec des entreprises pour financer la conservation, mais ces options ont été jugées insuffisantes par les pays du Sud, qui craignent que les investissements privés ne profitent principalement aux investisseurs eux-mêmes, sans bénéfices tangibles pour les populations locales.
Le manque d’accord à Cali est d’autant plus préoccupant que la biodiversité mondiale est aujourd’hui menacée à un rythme alarmant. Selon un rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), environ un million d’espèces végétales et animales sont en danger d’extinction. La perte d’habitats, la surexploitation des ressources, la pollution et les changements climatiques continuent de dégrader des écosystèmes vitaux, mettant en péril les services essentiels que ceux-ci fournissent, tels que la pollinisation, la purification de l’eau et la régulation du climat.
L’absence de consensus à la COP16 sur le financement est une occasion manquée pour progresser sur ces enjeux critiques. Beaucoup de défenseurs de l’environnement et d’organisations non gouvernementales craignent que cet échec ne se traduise par une accélération de la dégradation des écosystèmes, en l’absence de mesures de protection adéquates. À mesure que le temps passe, l’impact de la perte de biodiversité sur la sécurité alimentaire, la santé humaine et la stabilité économique devient de plus en plus apparent, et les coûts de l’inaction risquent de s’avérer bien plus élevés que les investissements nécessaires pour protéger la nature aujourd’hui.
Face à cet échec, la prochaine étape pour les négociateurs pourrait être de renforcer les mécanismes existants en vue de mobiliser des financements innovants, tels que la taxe sur la biodiversité, le paiement pour services écosystémiques, ou encore la réduction des subventions nuisibles aux écosystèmes. Des propositions émergent aussi pour réorienter les aides publiques destinées à l’agriculture ou aux énergies fossiles vers des projets bénéfiques pour la biodiversité. Ce type de financement pourrait offrir une solution intermédiaire permettant d’accroître les ressources tout en allégeant la pression sur les budgets publics des pays développés.
L’échec de la COP16 témoigne de l’urgence d’une prise de conscience collective et d’un engagement concret des États envers la biodiversité, qui reste l’une des pierres angulaires de notre survie sur cette planète. La biodiversité n’est pas seulement un héritage naturel à protéger, mais un pilier du développement humain durable, de la résilience climatique et de la stabilité des sociétés. Le défi est de taille, mais l’avenir de la biodiversité dépend de la capacité des nations à surmonter leurs différends pour agir ensemble et garantir que la nature puisse prospérer pour les générations futures.
Liens :
–https://www.ecologie.gouv.fr/rendez-vous/cop16-biodiversite Site officiel du ministère de l’écologie
–https://www.cop16colombia.com/es/fr/ Site Officiel de la COP16

